Rappelons donc que cette loi 3DS visait entre autres à, je cite : « renforcer l’implication des élus locaux et la surveillance exercée par ces derniers sur les entreprises publiques locales », autrement dit à priori, leur donner plus de droits et de moyens d’exercer cette surveillance. Le résultat est pourtant que pour des entreprises locales comme une SEM ou une SPL, les élus qui sont supposés exercer ce contrôle et sont désignés à cet effet par leur collectivité, ne pourraient plus présenter, discuter et voter de délibérations à impact financier, comme une garantie d’intérêt ou des opérations foncières…
Cela conduit à des situations ubuesques depuis un an dans mon expérience de la métropole, situations que nous allons parfois rencontrer dans la vie municipale. Ainsi, dans une délibération concernant le bilan de l’ADERLY, l’association pour le développement économique de la région lyonnaise, la vice-présidente à l’économie ne peut présenter ce dossier qu’elle connaît très bien et ne peut répondre à une question en commission, alors même qu’elle est sans doute la seule élue capable de répondre… Si c’est cela renforcer l’implication des élus locaux et leur surveillance sur les acteurs publics, on se dit que cette loi est sans doute à refaire !
Il y a clairement une contradiction entre l’objectif de renforcer l’implication des élus dans la surveillance des organismes publics locaux, et l’objectif de sécurisation juridique des mêmes élus. En effet, on pouvait considérer jusqu’alors que tout élu représentant une collectivité dans un organisme était suspect de conflits d’intérêt sur ce qui concernait cet organisme. La loi vient donc préciser des exemptions pour les régies, le CCAS, la caisse des écoles, et sauf dans certains cas pour les SEM, SPL ou missions locales.
La mise en œuvre de cette loi s’est mise en place depuis quelques mois de manière très variée selon les collectivités et les conseils des avocats, parfois contradictoires. Il faudra en faire le bilan. Au fonds, nous considérons que quand une collectivité décide de garantir l’emprunt d’un bailleur social pour la construction de logements sociaux, elle fait un choix politique dans le seul intérêt des demandeurs de logement et que ses élus la représentant au CA de ce bailleur social non seulement ne sont pas en conflit d’intérêt, mais au contraire, porteurs légitimes de cette décision politique !
Nous voulons l’affirmer clairement. Oui, c’est une bonne chose de mettre en place un référent déontologie et d’aider l’ensemble des élus locaux à mettre en place des règles de contrôle de probité. C’est important dans un contexte où la majorité des français pensent que les élus sont corrompus, surtout d’ailleurs les parlementaires, les maires étant les élus en qui les Français ont le plus confiance. Mais il faudra reprendre cette loi afin de réellement permettre le contrôle par les élus dans les organismes publics locaux.
Il est vrai que certains ont en mémoire des affaires nationales retentissantes, Cahuzac, Balkany, Guérini… et plus personne ne sait où en sont les multiples affaires Sarkozy ou Fillon. Pire, chacun sait bien que l’affaire Fillon de 2017 est tout autant une affaire politique en faveur du jeune candidat Macron et que l’instrumentalisation politicienne et médiatique de ces affaires est massive.
La bataille contre la corruption se heurte cependant à une limite, celle d’une société dont l’économie repose sur la corruption permanente, sans même parler des ventes d’armes et de leurs cortèges d’intermédiaires et de circuits de revente. La vérité par exemple, c’est que 1% des français touchent 96% des dividendes déclarés aux impôts, et ce sont bien sûr ces 1% qui sont dans les médias, les centres de décision et que ce sont pourtant ces 1% des plus riches qui sont donc objectivement en conflit d’intérêt massif avec les politiques publiques en faveur de la bourse !
La vérité, c’est aussi que toute l’institution européenne est une machine à lobbying, un lobbying qui organise officiellement la pression des intérêts particuliers sur la décision politique sans que jamais personne ne parle de conflits d’intérêts ! Les seuls grands de l’internet, les GAFAM, ont dépensé 113M€ de lobbying en 2022 auprès de l’Union européenne, et les pétroliers plus de 130M€…
Voilà le conflit d’intérêt fondamental de toute société capitaliste dirigée par ceux qui ont le pouvoir sur les investissements, les financements, les banques et qui dirigent les médias pour nous expliquer comment il faut réduire les dépenses publiques pendant que leurs fortunes explosent.
Voilà un bon sujet pour une loi de probité publique qui concernerait toute la vie économique, dans le champ public, comme dans le champ privé, bien loin de la complexification déstabilisante de cette loi 3DS qui fait que de nombreux maires de petites communes jettent l’éponge, et dont nous pensons que pour certains, elle fait partie d’une politique déterminée d’affaiblissement et de fragilisation des communes.