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Conseil municipal du 18 décembre 2023
Mercredi 27 décembre 2023

Madame le maire, Mesdames, Messieurs,

Nous sommes évidemment très heureux de ce dossier. Il répond au défi de notre monde de l’instantané et des vagues médiatiques qui organisent l’oubli permanent. Un responsable des archives de l’institut national de l’audiovisuel disait que si on ne prend pas le temps de revoir les enregistrements audiovisuels, si on ne travaillait pas à des résumés, des commentaires, ils disparaissent, jusqu’à ce qu’on ne soit plus capable de les relire, un peu comme ces tablettes sumériennes que personne n’a pu déchiffrer.

Or, il y a une histoire qu’on raconte peu, celle des ouvriers, des immigrés, et parmi eux, celle des militants communistes. Il ne s’agit pas de faire de la mémoire un usage politicien, mais de constater la place que des militants ont prise dans ces histoires populaires, qu’on ne peut faire vivre sans leur redonner la parole. Ainsi, j’ai eu la chance d’entendre Roger Pestourie raconter comment il collectait l’argent des cotisations sociales pour la caisse locale d’assurance maladie naissante en 1945. Ce témoignage explique, mieux que beaucoup de discours, comment la SECU a été construite, et pourquoi, très vite, tous les gouvernements ont tenté d’en prendre le contrôle, d’en exclure les salariés de la direction, en prendre le contrôle budgétaire.

Alors permettez-moi de citer quelques noms de communistes qui font pour Vénissieux ce lien entre les mémoires que nous allons faire vivre dans ce beau projet, en me limitant à ceux qui ne sont plus là. Vous connaissez les maires, Ennemond Romand, le manœuvre et monteur en métallurgie avant de devenir courtier de commerce, interné par Vichy à la prison Saint-Paul où il meurt quelques mois avant la libération, l’ajusteur Louis Dupic, déporté en Algérie pendant la guerre, le maçon Marcel Houël qui se battit pour que la ZUP soit une vraie ville. Vous connaissez des adjoints, Marguerite Carlet, ouvrière chez Maréchal, résistante, une des premières femmes adjointes qui créera la restauration scolaire, Georges Roudil, l’ouvrier qui aura des responsabilités internationales, interné dès 1939 avant d’entrer dans la clandestinité, puis d’être de nouveau arrêté et finalement déporté à Buchenwald où il animera le comité de libération, Marie Cazorlat, ouvrière chez Berliet qui participe toute jeune à la gestion ouvrière avant de devenir adjointe aux affaires sociales, Roger Bourdelot, le métalo qui rejoint tout jeune la résistance, avant de produire des poids-lourds, militant infatigable du métro, Jo Navarro, ouvrier à la verrerie puis à RVI, le sportif pêcheur adjoint au sport, Francis Pachès, l’ouvrier volontaire en Espagne républicaine, interné dès 1940 et jusqu’en 45 en Pologne, Robert Sanlaville, premier adjoint avant Guy Fischer…

Et il y a tant de militants qui n’ont pas été élu, mais qui ont marqué nos mémoires… André Falcoz, ouvrier, déporté à Dachau, Jacqueline Sanlaville, ouvrière dans la chimie, militante anti-coloniale qui planquera un dirigeant du FLN, la merveilleuse chanteuse de la chorale de l’OMR, et Georges Sanlaville, militant de la paix et de l’amitié entre les peuples, Marcel Banette et Louis Planchon, les cheminots morts dans un accident de train…

Et il en est tant d’autres qu’il faudrait citer, les frères Amadéo, Louis Alloisio, Gaston Nadalini, Luther Sanchez, Colette Raffaeli, comme de plus récents déjà disparus, Evelyne, Daniel, Blandine…

Au musée de la résistance de Lyon, le visiteur voit beaucoup de noms cités sans savoir qu’ils étaient communistes. Laissons aux historiens la question de la place du parti communiste dans la résistance, mais ce parti a été le creuset de milliers de personnalités issues du monde du travail, des quartiers populaires et qui sont devenus des dirigeants reconnus, cultivés, utiles à tous, porteurs de cette utopie léniniste disant qu’une cuisinière devait pouvoir diriger l’Etat. C’était ce que disait Marie Cazorla en 2015 « Je crois que je suis plus révoltée que jamais ».

Le parti communiste contribuera au travail de mémoire notamment sur la période de la décolonisation, ou le lien entre mémoire ouvrière et mémoire immigrée est le plus fort. C’est lors du voyage de mémoire à Alger en 2022 pour le 60e anniversaire de l’indépendance, que nous avons rencontré l’ancien organisateur FLN des marches du 17 octobre 1961 à Paris, un ouvrier qui a été caché par Jacqueline Sanlaville à Vénissieux. Et il y a tant à faire pour raconter les anciens qui ont porté la mémoire immigrée à Vénissieux, Mohamed Benmabrouk, Abdessalem Braiki, Mahmoud Hamdiken, Béchir Khammassi.

L’historien Michel Verret fait le lien entre la mémoire ouvrière et immigrée comme une mémoire de classe qui ne peut se transmettre que par la parole, et donc beaucoup par le militantisme, et la mémoire communiste comme mémoire d’organisation, de prise de conscience, de prise de parole justement.

Notre maison des mémoires sera un lieu de vie, de paroles, d’engagement.

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