Intervention de Michèle Picard

Journée festive du Comité d’Activités Sociales et Culturelles de la Ville de Vénissieux, Enregistrer au format PDF

A force de détricoter le pacte républicain et le vivre ensemble, la frénésie libérale, du toujours plus, du tout, tout de suite, nous laisse une société en lambeaux.
Dimanche 23 décembre 2012 — Dernier ajout vendredi 23 février 2024

Vivre ensemble, agir ensemble, vivre pour l’autre aussi. Pour briser ce sentiment de solitude, pour sortir de nos égoïsmes, pour recréer du lien social. Notre société divise au lieu de fédérer, elle exclut au lieu de rassembler. Le libéralisme et l’individualisme sont passés par là, ils laissent derrière eux un tissu social meurtri, une jeunesse bien souvent désemparée, et nos aînés dans la précarité. On ne peut pas, on ne peut plus avancer de la sorte.

Oui, je vous le dis avec ma franchise, notre société ne remplit pas ses devoirs. Elle n’est pas à la hauteur des enjeux et des marques d’estime qu’elle doit accorder au troisième âge. Et cette société dont je parle, elle commence par chacun de nous qui la composons. On ne se parle plus, on ne s’attend plus, on ne se tend plus la main.

Nous ne faisons plus société. Il n’y a plus d’ensemble, juste des divisions. Il n’y a plus d’additions, juste des exclusions. Et l’on s’étonne, ou l’on feint de s’étonner qu’après plus de 30 ans de libéralisme et d’individualisme forcené, la France ne sache plus accorder de place à sa jeunesse, aux plus de 55 ans, aux seniors. Les liens sociaux ont explosé et cette grande idée du lien transgénérationnel, héritée du CNR, et qui est à l’origine du modèle social français, tombe sous les coups d’un capitalisme destructeur. Le cœur du problème, il est là et pas ailleurs.

Redonnons la priorité à l’humain, redonnons du sens au mot « commun », retrouvons les chemins que nous avons perdus ou égarés : la solidarité, la justice sociale, le respect de l’autre, des plus jeunes et des plus anciens. A force de détricoter le pacte républicain et le vivre ensemble, la frénésie libérale, du toujours plus, du tout, tout de suite, nous laisse une société en lambeaux. C’est cela qu’il faut changer, et il y a urgence en la matière. Car pendant que certains spéculent et s’enrichissent sur le dos des plus modestes, la pauvreté en France gagne du terrain. Oui, elle gagne à nouveau du terrain depuis 10 ans.

Cette inversion du curseur montre bien que nous sommes à un moment charnière, et qu’il faut vite, très vite, changer de politique. Selon la dernière étude INSEE, 8,6 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté, dont environ un million de personnes âgées dans notre pays en 2010. 65% des retraités sont issus des milieux populaires (anciens ouvriers, employés ou agriculteurs). Pour eux, la retraite médiane se situe autour de 1100€ par mois. Ce qui veut dire qu’un retraité sur deux vit avec tout juste le smic, et un million d’entre eux, principalement des femmes, se retrouve avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté.

Expliquez-moi après avoir travaillé toute une vie, après avoir élevé des enfants, comment on vit avec 628 euros de pension minimum vieillesse par mois ! C’est indécent et c’est révoltant. Non seulement on peine à vivre, mais en plus on vit dans des conditions de plus en plus sommaires. 55% des ménages touchés par la précarité énergétique ont plus de 60 ans. Précarité énergétique, précarité sociale, précarité sanitaire. La santé pour les séniors devient un luxe, ce qui est gravissime. La hausse des tarifs des mutuelles, le forfait hospitalier, les déremboursements de nombreux médicaments remettent en cause le principe universel de la santé pour tous.

La question qui se pose, c’est comment les personnes âgées vont faire pour se soigner ? Aujourd’hui, elles consacrent en moyenne 90€ par mois, soit 5,8% de leurs revenus. En 2020, les dépenses santé pour les retraités devraient représenter 10% de leurs pensions. Le phénomène qui s’annonce est clair : alors que beaucoup de Français n’accèdent déjà plus aux soins, ou les reportent, les prochains touchés sont les seniors. On ne peut pas laisser faire ça, on ne peut pas tolérer une médecine à deux vitesses, à un âge où on en a le plus besoin.

J’aimerais que l’on en finisse avec les clichés, avec cette fausse image du retraité, déconnecté de tout et vivant dans le confort. Comme la majorité des Français, le 3e âge perd des droits fondamentaux, les uns après les autres. Le capitalisme n’attaque pas que le marché du travail, il attaque toutes les catégories sociales.

Un logement qu’on ne parvient plus à chauffer, un patrimoine qu’on ne parvient plus à maintenir, un pouvoir d’achat qui s’effondre : le droit de vivre dans la dignité, le sens de l’intérêt général, la solidarité nationale, les grands services publics ou ceux de proximité, c’est cela qui est attaqué, et les retraités le payent au prix fort.

Le combat politique de la Ville de Vénissieux, il s’inscrit contre cette indifférence généralisée. Indifférence envers nos aînés, indifférence envers l’éducation de nos enfants, indifférence envers le passé et les valeurs que l’on veut transmettre : arrêtons, arrêtons de torpiller le socle républicain, arrêtons de torpiller le socle de la démocratie que sont les communes, arrêtons de casser ce qui nous réunit. Je sais que vous êtes tous ici attachés au vivre ensemble, auquel vous avez contribué, et auquel le CASC et ses activités contribuent encore.

A Vénissieux, le mot dignité a un sens, il est aussi pour moi une direction, une balise. Nous poursuivons ainsi nos efforts pour offrir au 3e âge ce qui lui est dû : de l’attention, de l’écoute, du respect. Notre présence, elle est là, concrète, et notre ambition est à la hauteur du budget global que nous consacrons au 3e âge : 3,75 millions d’euros. Vous connaissez nos structures d’hébergement, nos politiques pour favoriser le maintien à domicile des uns, ou l’accompagnement des autres, mais nous tenons aussi à offrir à nos aînés, le temps de la curiosité, le temps de la culture, le temps des connaissances et du partage, jamais tout à fait révolu. Voilà notre ambition, voilà notre détermination.

En cette veille de fin d’année, alors que nous attendons beaucoup plus des politiques nationales du gouvernement actuel, je tenais à rappeler des principes et des priorités simples : Vénissieux œuvre pour l’intérêt général, Vénissieux œuvre pour renforcer les liens transgénérationnels, Vénissieux œuvre pour le vivre ensemble.

Ce qui était vrai en 2012, rassurez-vous, le sera encore en 2013. Je vous souhaite, à tous et à toutes, de très bonnes fêtes et je vous remercie.

Remerciements à :

Régie de restauration

Élèves H. Boucher

Services municipaux qui contribuent à cette journée

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