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Publié le lundi 23 mars 2009

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Le blog de Michèle Picard, maire de Vénissieux, député suppléante du Rhône

Rencontre-débat autour des Droits des femmes

Mars 2011, par admin

Le 17 mars 2011

Retrouvez ci-après l’intervention de Michèle PICARD lors de la rencontre-débat autour des Droits des femmes,organisée par le groupe des élus communistes de Montpellier

Il y a le 8 mars… et les jours qui suivent. Les droits des femmes, ce n’est pas le combat des symboles et des commémorations, c’est le combat de tous les jours, tout au long de l’année, tout au long des siècles.

Ce n’est pas non plus le combat des femmes, mais des hommes et des femmes qui oeuvrent à leur émancipation, et par-là même à l’émancipation de la société dans laquelle ils vivent. Je prends souvent des exemples simples, parlants, pour mesurer la fragilité des droits des femmes et retracer leur inscription très récente à l’échelle du temps : plus près encore que le droit de vote, la liberté pour les femmes de disposer de biens propres (carnets de chèques, comptes à part) a été accordée en 1965 ! C’est à dire il y a 46 ans à peine ! Inutile de dire que l’on ne regarde pas de la même façon sa carte bleue lorsque l’on a en tête cette donnée. Ce que je veux dire par-là, c’est que dans les gestes les plus quotidiens, dans les droits les plus élémentaires, il y a en amont des années, des siècles de luttes.

Chaque centimètre gagné prend un temps fou, alors que, sous l’effet des crises et des forces régressives, la vitesse est beaucoup plus rapide en matière de pertes et de régressions. L’exemple édifiant de mon propos, c’est cette étude récente de l’INSEE, publiée fin février, qui nous l’apporte : un français sur 4 pense que les hommes devraient être prioritaires pour trouver un emploi en temps de crise.

Dans nos sociétés, le monde du travail est un parfait révélateur des avancées, des crispations ou des reculs des droits des femmes. Aujourd’hui, avec notamment la déréglementation du code du travail en route depuis des années, le curseur balance nettement dans le sens des régressions. Les deux tiers des salariés à bas salaires sont des femmes. Ces dernières sont nettement plus souvent que les hommes employées à temps partiel, 32,9% contre seulement 7,7% pour les hommes. Inégalités de salaires, inégalité d’accès à la formation, sous-représentation dans les conseils d’administration des entreprises, mais aussi dans le monde syndical, politique.

A la base pourtant, les femmes sont plus diplômées que les hommes, données qui ne se répercutent pas dans l’organisation du monde du travail. Il y a donc des schémas préétablis qui cloisonnent les parcours et les fonctions : métiers féminins d’un côté, métiers masculins de l’autre.

Dans ce contexte de déréglementation, propre au capitalisme, les femmes sont souvent les premières touchées, les plus exposées. Concéder des droits pour survivre à l’asphyxie sociale, à l’asphyxie financière des familles monoparentales, devient en quelque sorte un passage obligé. C’est dans cette faille que s’engouffrent l’exploitation, les sous-rémunérations, les conditions de travail inadmissibles.

A Vénissieux, nous nous sommes battus avec force aux cotés de salariés contre ces atteintes.

L’entreprise DHL et son cadre ont été ainsi condamnés pour harcèlement moral. C’est une victoire pour ces trois femmes, traitées entre autres de « femelles », de « dondons », victoire sur elles-mêmes dans la mesure où elles ont su briser le silence, où elles ont su braver la peur de la perte d’emplois, de sanctions. Elles sont allées au bout d’elles-mêmes et à travers la condamnation des méthodes de management sexistes, c’est plus qu’une reconnaissance qu’elles ont obtenue, c’est leur dignité de femme et de femme salariée.

L’autre combat que nous avons mené nous a opposé à Carrefour Vénissieux, qui comme dans les autres du groupe en France, généralisait en toute impunité le travail de nuit. Un salarié sur deux était concerné. Horaires discontinus, travail le dimanche, la politique libérale de Nicolas Sarkozy et des chantres du capitalisme ouvre la porte de tous les excès, notamment dans la grande distribution.

Y a-t-il une relation de cause à effet entre ces pratiques illégales et ce chiffre : 70% des salariés qui travaillent dans le hard-discount sont des femmes ! ça veut dire bas salaires, des journées coupées en deux, des difficultés pour la garde des enfants, ça veut dire une vie en miettes pour un SMIC en toc ! Pour conclure sur ce point, à Vénissieux, nous comptons 2700 femmes à temps partiel (subi plus que choisi), soit 30% des salariés, c’est dire si la précarité s’étend, si la précarité se généralise.

Au bout de la logique économique du capitalisme, les droits les plus élémentaires sont rognés et la pauvreté se féminise à vitesse grand V, comme le constatent les Secours Populaires et Catholiques, sur l’ensemble de notre territoire.

Le recul significatif du droit des femmes est lié également aux attaques répétées dont souffrent les services publics. Il n’est pas exagéré de dire qu’en privatisant progressivement la santé publique, le projet de loi de Roselyne Bachelot affaiblit l’IVG. Je rappellerai que 11 centres d’orthogénie ont fermé en France en 2010, remise en cause à peine déguisée de ce droit si chèrement acquis. Une brèche dans laquelle s’engouffrent les théories nauséabondes d’une Marine Le Pen par exemple, qui préconise le déremboursement de l’IVG.

Au niveau de l’Éducation nationale, il y a ce que j’appellerais un double effet négatif. Le premier touche au quotidien des femmes. La remise en cause des écoles maternelles, la gestion de la petite enfance et des crèches selon les règles de la rentabilité posent des problèmes matériels évidents.

Soit on subit les contraintes physiques et morales de la double journée, soit on lâche une partie de son autonomie professionnelle pour se consacrer à la garde de ses enfants, assurée dans la majorité des cas par les femmes.

L’autre effet négatif de la casse de l’école publique concerne le moyen terme. En atrophiant les moyens de l’Éducation nationale, on attaque le creuset et l’écrin des valeurs républicaines : respect de l’autre, ouverture d’esprit, construction de la personne, prévention, éducation, dans un contexte où les rapports entre filles et garçons se sont durcis.

A Vénissieux, nous travaillons en étroite collaboration avec Filactions, association lyonnaise qui s’est fixée comme mission, entre autres, d’impliquer et d’associer les jeunes dans la lutte contre les violences conjugales, avec nos Equipements Polyvalents Jeunes, afin justement de diffuser ces notions de tolérance, d’ouverture qui donnent des repères, qui favorisent l’épanouissement de chacun. Ce processus est absolument essentiel dans le cadre d’une pérennité des droits des femmes.

Il faut agir tôt car défendre les droits des femmes, c’est s’attaquer à des comportements, à des préjugés, des réflexes conditionnés, à une forme d’héritage de modèles patriarcaux, et c’est un travail de longue haleine, un travail au quotidien, un travail qui a besoin d’une Éducation nationale forte, moderne et bien sûr laïque. C’est tout le sens de nos actions de proximité avec l’association Filactions, à travers des campagnes de sensibilisation et de prévention sur les relations amoureuses menées dans les collèges, lycées et EPJ de Vénissieux.

Ce travail en amont, je le dis et je le répète, dans une société déboussolée, en perte de valeurs, est primordial.

Préjugés, a priori, patriarcat agissent aussi sur la représentation de la femme dans l’imaginaire collectif de nos sociétés. Le cliché de la femme vénale, de la fille facile, reste bien ancré dans les mentalités. La preuve, nous la connaissons aussi bien à Montpellier qu’à Lyon, et nous l’avons dénoncé conjointement à travers nos réactions et actions légitimes contre la société Sensual Clean Service. Banaliser l’image de la femme-objet, la soubrette que l’on paye pour venir en bas résilles faire le ménage à domicile, est une atteinte grave à la dignité de la femme. L’alibi du jeu autour du fantasme cache une réalité plus crue : l’exploitation de la misère féminine, la marchandisation de l’humain, du corps des femmes. Ça n’est pas « funny », contrairement au vocabulaire utilisé par des journalistes !, c’est du cynisme mercantile, usurier. Il faut faire attention à ces glissements des valeurs, à ces banalisations des comportements comme des représentations. Sur le cas bien précis de Sensual Clean Service, notre mobilisation a payé puisque la société a renoncé à ses activités. Il n’empêche que pour faire bouger les choses, et pour faire sortir de leur mutisme et de l’inertie les pouvoirs publics, j’ai dû entreprendre un florilège d’actions en tout genre : déclarations dans les médias, courrier au Premier ministre et à différents ministres, plainte auprès du procureur de la République au tribunal de Carcassonne, mobilisation de notre « Collectif femmes » dont les participantes vont déposer individuellement une plainte auprès du procureur.

Une chose est sûre, il faut se battre, ne pas céder, ne pas plier, ne pas lâcher.

Les mêmes préjugés interviennent également au sujet de la prostitution. La mission parlementaire, créée à l’Assemblée le 16 juin dernier, ouvre le débat. C’est une bonne chose, dans la mesure où la prostitution dite alimentaire prend de l’ampleur dans notre pays. Montpellier, comme Lyon, est une ville étudiante ? Et beaucoup de jeunes ont recours à ce moyen de survie pour financer leurs études ou tout simplement sortir de la pauvreté. D’après les dernières études, 40 000 étudiants, en majorité des femmes, vendraient ainsi leur corps. Il ne faut pas prendre ce phénomène de société à la légère. Le débat est ouvert aux différentes formes de prostitution, mais je tiens en préambule à rappeler un principe clair, et à faire aussi attention aux mots qu’on emploie : la prostitution n’est pas un métier, c’est de la survie financière, de la survie économique, de la survie au quotidien. Survie qui continue après la prostitution, quand on s’en échappe comme on sort d’un cauchemar. 94% des prostituées rêvent de quitter ce milieu ! Ne trichons donc pas avec les termes de « marché du sexe », « d’industrie du sexe », mais portons le fer là où ça fait mal : la prostitution est avant tout l’usurière de la misère, de la pauvreté. Il s’agit bien d’une exploitation et d’une humiliation de la personne asservie ? Contraires aux droits de l’homme, avec l’argent comme monnaie d’échange et moyen de pression. Faut-il légaliser la prostitution, ce qui reviendrait aussi à légitimer la consommation de sexe, à en faire un marché ? Faut-il pénaliser le client ? Au sein même des associations féministes, les avis divergent, mais je me réjouis que le débat soit enfin sur la place publique.

Pour clore ces réflexions que je nourris à l’égard des droits dans notre pays, je ne saurais passer sous silence ce véritable fléau des violences conjugales. Une femme meurt sous les coups de son compagnon tous les deux jours et demi. Ce chiffre fait froid dans le dos. Le gouvernement Fillon a beaucoup communiqué sur ce sujet mais en est resté au stade des annonces, de la « com ». Au sujet des violences faites aux femmes, deux lois ont été votées au parlement en 2010. L’Etat décrète la cause nationale mais, dans le même temps, assèche les subventions aux associations qui sont en lien direct avec ces femmes traumatisées, isolées et meurtries. Double langage, double hypocrisie, double sémantique qui ne trompera personne, et qui rejoint mes préoccupations évoquées au préalable en matière d’éducation ou de santé.

Les abandons des missions régaliennes, préconisés par le capitalisme financier et mortifère, ont des conséquences terribles : l’Etat délègue, ou plutôt se décharge de ses devoirs sur le dos des collectivités. Entre 2006 et 2009, les subventions de l’Etat pour les associations d’aide aux victimes de violences conjugales ont baissé de 18,8%. Moins 38% pour les associations et permanences locales d’accueil, d’écoute et d’accompagnement des femmes victimes de violences.Ces orientations ont déjà des effets sur le terrain : on travaille avec des bouts de ficelle, sans aucune perspective en matière de carence des logements d’urgence, sans moyens pour agir au plus près des douleurs, des désarrois, sans volonté de changer la situation en profondeur.

Effets en amont et en aval : pour la première fois, la Ville de Vénissieux a accordé, à la demande du Planning familial du Rhône, une subvention pour que l’association boucle son budget.

Filactions, association dont je vous ai déjà parlé, nous a également fait part de difficultés financières.

Hypocrisie d’Etat, voilà le terme qui s’applique : il édicte des grands principes, mais laisse le terrain en friches. Je crois profondément aux vertus de l’indignation, de la révolte citoyenne comme moteur de nos avancées politiques.

Il y a des stades au-delà desquels la compréhension devient une compromission. Tolérer l’intolérable, c’est laisser avancer les forces réactionnaires, les discours populistes, c’est leur laisser le champ libre. En France comme à l’étranger. C’est la raison pour laquelle la ville de Vénissieux a élevé au rang de citoyenne d’honneur, la jeune mère de famille iranienne de 43 ans, Sakineh, qu’une justice moyenâgeuse promettait à la lapidation pour adultère. Avancer l’argument que cette justice est le fruit de traditions ancestrales que l’on ne peut appréhender, c’est se renier et faire fausse route. Mutilation, négation du corps, du visage, en un mot négation de l’identité de la femme à travers le port de la burqa, comment ne pas ouvrir les yeux, là encore, sur de telles atteintes, graves faites aux femmes sur lesquelles se greffent les obscurantismes religieux ? Leur place, leur rôle, leur émancipation ont toujours cristallisé des enjeux de société majeurs tout au long des siècles. Il en est de même au présent et il en sera de même dans le futur. L’époque actuelle et les politiques libérales qui mesurent les sciences humaines et les droits de l’homme, à l’aune du profit immédiat, ne nous sont pas favorables. Raison de plus pour se mobiliser ensemble.

Nous le savons tous ici : les droits des femmes ne sont, ne seront jamais mieux défendus que par nous-mêmes, hommes et femmes unis dans ce combat commun du progrès social. Ce n’est pas le combat du fort contre le faible, ni celui du passé contre le présent. C’est le combat contre les comportements rétrogrades, contre les idées reçues, d’où la difficulté d’en modifier les règles, le cours et la nature.

J’ai toujours en tête ce constat édifiant, qui donne une idée des efforts que les femmes ont à accomplir pour faire sortir de l’ombre leurs droits et une reconnaissance partagée : jusqu’à la fin des années 70, les résistantes ne représentaient ainsi en moyenne que 2 à 3% des noms cités dans les ouvrages consacrés à la Libération. Ce qui fit dire à l’historienne Hélène Eck : « L’impôt du sang n’a pas suffi à fonder l’égalité ». Oui, il s’agit bien pour nous d’une lutte permanente et perpétuelle.

Je vous remercie.

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