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Publié le lundi 23 mars 2009

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Le blog de Michèle Picard, maire de Vénissieux, député suppléante du Rhône

Commémoration du 66e anniversaire de la Libération de Vénissieux

Septembre 2010, par admin

Le 2 septembre 2010

Retrouvez, ci-après, l’intervention de Michèle Picard.

L’espoir s’est levé car des hommes, des femmes, des maquisards, des anonymes l’avaient semé sous un ciel noir. Au risque et au prix de leur vie.

Ne jamais renoncer, ne jamais capituler, ne jamais baisser les bras.

Savoir désobéir, savoir dire non, savoir se sacrifier.

Notre liberté, notre République leur doit tout.

Quand je pense à la libération, j’ai en tête ces hameaux, ces villages, ces villes qui se réveillent groggys mais soulagés, après plus de 5 années de cauchemar, de drames, de sangs versés pour mettre à bas le pire régime de l’histoire : le 3e Reich.

Quand je pense à cette matinée-là, je pense à cette scène de « Jour de Fête » de Jacques Tati où le drapeau tricolore est hissé en haut d’une hampe qui vacille, à droite, à gauche, avant enfin d’être stabilisé à la verticale sur la place du village. Belle métaphore de ce que la libération a apporté à la France : un pays qui se réconcilie avec son histoire après le tremblement et la négation du régime de Vichy, après 5 années de honte et de reniement.

5 années comme un trou noir, une tache indélébile au pays des Droits de l’Homme, des avancées sociales et du siècle des Lumières. 5 années où tout s’est écroulé.

2 septembre 1944. Sur la façade de l’ancien Hôtel-de-Ville, aujourd’hui « Maison Henri Rol-Tanguy », le drapeau tricolore est hissé par le Comité de Libération de Vénissieux.

Lyon, Chambéry, Grenoble, Saint-Etienne : l’aviation américaine pilonne intensivement les centres économiques de la région tout au long du printemps ; les troupes alliées desserrent l’étau et les actions du mois d’août portent en elles le sceau de l’espoir et de la victoire.

Fait rare, ce 2 septembre, Vénissieux s’est libérée d’elle-même par un mouvement populaire d’insurrection, anticipant l’arrivée des armées.

Cet appel de liberté, ces prémices d’une République renaissante, celle que le CNR porte en gestation, concentré d’avancées sociales, économiques et syndicales incroyables, ne doit pas nous faire oublier le cortège de souffrances, de drames et de morts qu’il a fallu endurer pour arriver à ce 2 septembre 44.

Dans de nombreux hameaux et villes de France, le jour de la Libération a été aussi synonyme de nouveaux drames, de nouveaux massacres. Il faut également s’en souvenir.

La retraite et la débâcle de l’armée allemande laissent derrière elles champs de ruines et champs d’horreur. Oradour-sur-Glane, 10 juin 44 : 350 femmes et enfants, regroupés dans l’église, périssent dans les flammes pendant que les jeunes et hommes du village sont fusillés dans différents lieux d’exécution.

642 victimes en tout, un bourg qui devient un brasier, il ne reste plus rien d’Oradour, que des corps calcinés, des pierres noires et des cendres encore fumantes.

Dans le Sud-Ouest, les Waffen SS en se retirant, du Quercy jusqu’en Corrèze en passant par la Haute-Vienne, multiplient les exécutions sommaires et massacres collectifs.

Plus près de nous, les maquis du Vercors et des Glières cèdent après des combats acharnés, disproportionnés et héroïques, après aussi, il faut le dire, de nombreuses dénonciations des Français collabos et des opérations des milices françaises.

Ils ont 16 ans, 20 ans, 24 ans, ils ont œuvré pour notre liberté, mais n’ont pas vu, n’ont pas connu le jour de la Libération, de leur libération.

Liesse pour les uns, dernières heures pour les autres, les printemps et automne 44 ressemblent aussi à ça, rires et larmes confondus pour redonner une once de dignité à un pays humilié par Pétain, Laval, et les zélés lampistes de Vichy.

Dans ce drame qu’est toute guerre (arrêtez, s’il vous plaît, de nous parler de « guerre propre », par respect, par sincérité et par dignité), Vénissieux a versé son dû. Un lourd tribut même : lors des bombardements alliés entre mars et mai 1944, les coups malheureux de l’allié s’ajoutent aux coups des ennemis : à Vénissieux, 29 personnes seront tuées, 62 blessées, 600 maisons sont à l’état de ruines ou très endommagées.

Il n’empêche que le courage de cette ville de tradition ouvrière ne faiblit pas, pas plus qu’elle n’a accepté l’humiliation de l’occupation et de la collaboration.

Courage déjà des associations de secours qui sortent, en 1942, 84 enfants et 16 adultes du camp d’internement de Bac Ky, au 52 avenue de la République.

La volonté de dire non à une droite qui veut en finir une bonne fois pour toutes avec les communistes, syndicalistes et progressistes, avec tout ce qui gêne les intérêts du capitalisme, cette désobéissance s’inscrit dans une liste d’actions fortes et symboliques :

-refus du STO

-révolte à la Sigma, à la Somua, qui traduit la prégnance et l’enracinement du mouvement syndical dans la région

-actes de sabotage des uns et des autres pour affaiblir les Allemands dans leurs moyens de productions et de communications

-les combats du 24 août 1944 devant l’usine Berliet.

Pierre par pierre, pas à pas, Vénissieux, comme l’ensemble du pays, a (re)construit son avenir.

L’histoire retient des dates, des noms, des symboles pour poser des balises dans les époques tourmentées. Bien sûr à Vénissieux, la mémoire d’Ennemond Roman, de Louis Dupic, de Georges Roudil, des frères Amadéo et Lanfranchi est toujours aussi vive parmi nous. Charles Jeannin, tout comme Francis Paches et Fortuné Lanfranchi, peuvent encore en témoigner : il a fallu plus que du courage pour braver la peur, les sales milices, les tortures, les humiliations et, ignominie suprême, les camps de concentration.

Dans ce mouvement de fond pour sortir debout individuellement et réinventer une société collectivement, il faut rendre hommage aux anonymes, aux ouvriers, aux cheminots, aux syndicalistes clandestins, aux immigrés du groupe « Carmagnole-Liberté », aux femmes.

Rendre hommage à ceux qui ont œuvré en pleine lumière, à ceux qui ont travaillé dans l’ombre, à ceux qui ont franchi le pas entre le désarroi du moment venu et le temps de l’action.

Entrer en résistance, c’est un acte fort, mais c’est aussi un apprentissage, un cheminement et une forme de foi. C’est se mettre en péril pour à nouveau exister.

Edgar Morin parle très bien de ce moment particulier, entre hésitation et engagement, où la notion de Résistance en tant que structure permet de dépasser les appréhensions personnelles. Frontières qu’anonymes et héros, jeunes et aînés ont su franchir pour sortir de la honte et élaborer un programme de développement social et économique d’une extrême modernité, celui du CNR.

Près de 70 ans après les heures historiquement les plus noires de l’humanité, nos sociétés contemporaines ne semblent pas avoir retenu les leçons du passé.

Le formidable élan collectif de l’après-guerre, l’espoir d’une politique publique plus juste et solidaire au service de tous les citoyens volent en éclats sous nos yeux.

Le résultat est plus qu’inquiétant : le capitalisme et l’oligarchie de la finance ont fait entrer nos sociétés sur la voie de la désintégration. Désintégration des solidarités (les retraites, la santé pour tous, l’éducation, pilonnées comme jamais par le tandem Sarkozy-Fillon), désintégration du monde du travail et des modes de production, désintégration du civisme et de la notion d’intérêt général.

Les crises ne se succèdent pas, elles s’agrègent et s’additionnent : crise sociale, crise économique, crise morale et crise politique. Pire même, ce système exsangue et replié sur lui-même, ne génère ni espoir, ni utopies, ni souffle. Le parallèle avec les années 30, à manier avec prudence, n’est pas inapproprié. Pour masquer les incuries des politiques menées par l’UMP, Barroso et consorts, on utilise les leviers populistes, les peurs irrationnelles, les replis nationalistes.

En France, le mois d’août aura été en la matière exemplaire, histoire certainement de faire oublier les millions d’euros de Liliane Bettancourt. Déchéance de nationalité, chasse aux roms, chasse aux Français d’origine étrangère, c’est un arsenal et un langage dignes de Vichy que le pouvoir aux abois a utilisés sans vergogne, à des fins opportunistes et électoralistes. Ces questions de fond, qui méritent débat et réflexion, ne peuvent faire l’objet d’une telle instrumentalisation.

Triste image de la France de Sarkozy et de ses raccourcis, de cette droite versaillaise, qui bafouent les droits de l’homme et les grands principes de notre constitution. Il devrait en être le garant, il en est le fossoyeur et l’apprenti sorcier.

Jamais sous la Ve République un président n’avait tant cherché à diviser et stigmatiser les populations, à les braquer les unes contres les autres : un jour les jeunes, un autre les chômeurs, le lendemain les pauvres, les roms ou les immigrés.

Son échec est tel en matière sécuritaire qu’il envoie ses sbires menacer de sanctions les maires des communes, eux qui pallient sur le terrain, l’abandon des missions régaliennes de l’Etat et qui maintiennent les missions de prévention, d’encadrement.

Faut-il rappeler à Nicolas Sarkozy que c’est son gouvernement qui envisage la suppression de 3 500 policiers pour les trois prochaines années. Je ferme la parenthèse.

En ce jour de libération, au nom des valeurs progressistes que nous défendons et incarnons, au nom des combats qui ont été menés, j’ai presque envie de dire que se souvenir ne suffit déjà pas, que se souvenir ne suffira bientôt plus.

L’état de délitement avancé de nos sociétés nous force à agir, à inventer, à créer, à imaginer le monde autrement pour sortir de la Grande Régression des 30 dernières années. « Aujourd’hui, tout est à repenser, tout est à recommencer. Tout, en fait, a recommencé mais sans qu’on le sache. Nous en sommes au stade de commencements modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Car il existe sur tous les continents un bouillonnement créatif dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique ou éducationnelle. Ces initiatives ne se connaissent pas les unes les autres mais elles sont le vivier du futur », prévient Edgar Morin.

En 1940, les Maquisards et Résistants ne se connaissaient pas les uns les autres, mais ce sont eux qui ont réinventé le XXe siècle !

Ils ne l’ont pas simplement dénoncé, ils l’ont énoncé !

Je vous remercie.

commemo liberation Vénissieux 020910 presse

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