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Le blog de Michèle Picard, maire de Vénissieux, député suppléante du Rhône
73e anniversaire de l’appel du Général De Gaulle
Juin 2013, par admin19 juin 2013
Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD, à l’occasion du 73e anniversaire de l’appel du Général De Gaulle, le mardi 18 juin 2013 à 18h00
C’est l’éternelle histoire, celle des petites rivières qui font les grands fleuves. Ce 18 juin 1940, un général parle sur les ondes de la BBC. A qui parle-t-il, si ce n’est à lui-même, à l’idée qu’il se fait de la France, de la liberté, à l’idée qu’il se fait de l’insoumission. Ce 18 juin, personne n’écoute le général de Gaulle, peu connu du public, isolé, parti dans la précipitation à Londres.
La veille, le 17 juin, à la radio là encore, le maréchal Pétain prononce ce discours : « Sûr de l’appui des Anciens Combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur. C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’Honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. »
Deux discours, l’un tête basse, l’autre tête haute, l’un capitule, l’autre résiste. La France de la collaboration est en marche, vers le pire et l’irréparable, la France de la Résistance est en lambeaux, pas même en gestation, c’est elle qui, pourtant, finira par triompher. Au prix d’un sacrifice inouï, au prix de drames épouvantables, au prix d’un long chemin endeuillé, les résistants de la première heure, ceux du 18 juin et tous les autres, sortiront notre pays de la nuit.
Ils sortiront la France des lois scélérates de Pétain, contre le monde ouvrier, contre les femmes, ils sortiront la France de l’ignoble, le port de l’étoile jaune, les 76 000 juifs de France déportés dans les camps d’extermination, ils sortiront la France des milices de Pucheu, des basses œuvres de Laval et Pétain, la France de la délation, de la trahison, des régressions et de la xénophobie de l’extrême droite. Ils voulaient imposer le Travail-Famille-Patrie, c’est le « Liberté, Égalité, Fraternité » qui sera brandi à la sortie de la guerre, et hissé sur les frontons de nos mairies.
La République est debout, k.o certes, mais debout, grâce à tous ceux qui se sont levés pour dire Non. C’est vrai que lorsque l’on entend, ce 18 juin 40, les mots du général De Gaulle à la radio, ils semblent flottés, lancés dans le vide. Pourtant, plus qu’une date, ils font le pari de prendre date, ils dessinent un avenir auquel personne ne croit à cet instant-là. Mais surtout, ils tracent une route, une voie, ils ne se plient pas à la force de l’occupant, ignorent la résignation, dans une France en pleine débâcle militaire et morale. Je le cite :
« Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire… Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ! ».
Alors que le 10 juillet 40, l’Assemblée nationale vote les pleins pouvoirs à Pétain, 80 députés seulement s’y opposeront, le geste de De Gaulle paraît culotté.
Le 27 mai 43, naissance officielle du CNR, est encore très loin. Entre ce 18 juin et ce 27 mai, il faut saluer toutes les résistances de la première heure, sans lesquelles l’appel du général serait resté vain.
Le 18 juin ne sonne pas encore l’heure de Jean Moulin, de Lucie Aubrac, c’est prématuré, mais il pose un espoir qui fleurira un an plus tard.
Août 41 : les communistes développent rapidement un mouvement de résistance armée, les Francs-tireurs et partisans français (FTPF), dirigé par Charles Tillon. D’obédience communiste, le plus important maquis de France, celui du Limousin, prend forme.
1941 toujours, des représentants du Parti communiste et du Parti socialiste d’Italie, réfugiés en France, signent l’« appel de Toulouse », puis le « pacte de Lyon », le 3 mars 1943, qui scellent l’unité d’action dans la Résistance.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, des dirigeants de la SFIO créent un comité d’action socialiste (CAS), de telles organisations verront le jour après le procès de Blum et Daladier, parodie du procès de Riom. Les juifs, les chrétiens, les immigrés, et les FTP-MOI d’Epstein et Manouchian, tout le monde refuse l’impensable soumission de la France de Pétain, tout le monde refuse l’inéluctable et le défaitisme. Il faudra alors organiser ces résistances, les fédérer, et surtout faire comprendre que la nécessité de la bataille pour l’indépendance nationale, doit anticiper les problèmes sociaux qui se poseraient après la guerre.
C’est l’heure de Jean Moulin, c’est l’heure du CNR.
Le Conseil national de la résistance, dont nous célébrons cette année le 70e anniversaire, n’est pas né dans la facilité. Fallait-il que les syndicats y soient présents ? Première interrogation. Robert Chambeiron, dernier survivant de la séance du 27 mai 1943, député de 1945 à 1958, membre de l’Union progressiste apparentée au groupe parlementaire communiste, est explicite :
« Je dois dire que l’opposition à la représentation des syndicats n’a pas duré.
Depuis les grandes grèves des mineurs de 1941, les syndicats avaient montré qu’ils avaient une capacité de mobilisation contre les occupants et contre la vie chère, c’est-à-dire de mener un combat à la fois social et patriotique. Ils avaient une expérience du combat social que n’avaient pas les mouvements. Les mouvements n’avaient pas la même capacité de mobilisation, et ils en ont pris conscience. »
L’autre question, plus délicate, concernait l’entrée des partis politiques, totalement discrédités après le vote du 10 juillet 40, dans les instances du CNR. Cette question en soulevait une autre, dans la mesure où Roosevelt ne faisait pas confiance au général De Gaulle, et tentait de l’isoler. Là encore, Robert Chambeiron nous éclaire, je le cite :
« Mais il y avait eu les 80 parlementaires qui avaient refusé les pleins pouvoirs à Pétain, ceux qui étaient sur le Massilia, ceux qui étaient encore à la guerre, ceux qui étaient passés en Angleterre, et les parlementaires communistes qui avaient été déchus de leur mandat en 1939.
Tous ceux là n’avaient pas voté la déchéance de la République, puisqu’ils n’étaient pas là, et beaucoup étaient dans la Résistance. De 1940 à 1943, ces partis avaient quelque peu nettoyé leurs rangs, et les éléments les plus encombrants n’y étaient plus. »
De Gaulle avait donné à Jean Moulin, la consigne d’intégrer les syndicats et les partis au CNR.
« Sans le CNR, il n’y aurait pas eu une Résistance, il y aurait eu des résistances.
A la Libération, il n’y aurait pas eu un peuple rassemblé, mais un peuple éclaté. », conclut le Général lui-même.
Avec le recul, d’avoir intégré la dimension politique, dans le Conseil national de la résistance, est un élément essentiel et fondateur, pierre de base du modèle social français, dans lequel nous vivons encore, malgré les attaques du libéralisme. En soi, le programme du CNR n’est pas un programme de rupture, ce n’était pas la gauche contre la droite. Les dirigeants du capital financier, des grandes sociétés, neutres dans le meilleur des cas, collaborateurs dans le pire, étaient discrédités.
Ce sont donc les classes populaires qui ont été à la tête du combat, d’où l’esprit progressiste, social et solidaire du programme du CNR. On peut remarquer par ailleurs, qu’il n’y a pas eu de rejet de ce programme après la Libération. Les réformes de 1945-1947 n’ont pas fait l’objet de violentes discordes à l’Assemblée constituante. Alors que peut-être jamais la France n’était allée aussi loin, dans la mise en œuvre d’orientations sociales, progressistes, toujours dans le sens de l’intérêt général et du bien commun.
Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ; un plan complet de sécurité sociale ; la reconstitution d’un syndicalisme indépendant ; le droit au travail et le droit au repos ; la garantie du pouvoir d’achat national et de salaires dignes.
Et puis il y a ce qui découle et résulte du CNR. 21 février 1946 : la loi des quarante heures hebdomadaires, adoptée par le Front Populaire en 36, est rétablie.
28 mars 1946, vote de la loi sur la nationalisation de l’électricité et du gaz.
25 avril, extension du nombre et des attributions des comités d’entreprises.
26 avril 1946, généralisation de la Sécurité sociale, incluant la Retraite des vieux travailleurs, le droit de vote des femmes, etc.
Sans le 18 juin 40 y aurait-il eu un 27 mai 43 ? Sans le CNR, y aurait-il eu notre modèle social français, qui a permis à toutes les générations de l’après-guerre, de vivre dignement. Il ne s’agit pas de réécrire l’histoire, ni de la réinventer, encore moins de la juger, mais bien de mesurer la portée et l’héritage que nous laissent les résistants.
A l’heure où bon nombre d’entre eux nous quittent, à l’heure où leur vision humaniste et solidaire nous manque, nous, les vivants, sommes face à une tâche immense et gratifiante. Plus que jamais, nous devons être vigilants et fermes contre la montée des idées de l’extrême droite, contre cette haine de l’autre, et la violence qu’elle porte.
La mort du jeune étudiant Clément Méric, début juin, est là pour nous le rappeler. Elle doit réveiller nos consciences face à un péril toujours présent.
Nous sommes les relais de la mémoire partagée, nous sommes les garants d’un héritage qu’on ne saurait dilapider, nous sommes les passeurs d’un patrimoine lourd, certes, mais grand, c’est une évidence.
Dans une société en plein délitement, dans un monde où règne la loi du plus fort, la symbolique du 18 juin 40 n’a pas pris une ride.
Il nous montre, et nous montrera toujours, combien dire Non peut être salutaire et salvateur.
Je vous remercie.
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