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Le blog de Michèle Picard, maire de Vénissieux, député suppléante du Rhône
72e anniversaire de l’appel du Général De Gaulle
Juin 2012, par adminLundi 18 juin 2012
Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion du 72ème anniversaire de l’appel du Général De Gaulle, le lundi 18 juin 2012.
La presse collaborationniste l’a vite appelé « le général Micro ». Elle rit de l’isolement de De Gaulle, car ils sont peu de Français, ce 18 juin 40, à écouter ce message d’outre-manche. Il y a le choc de la défaite, brutale et inattendue, le choc de la débâcle, le choc de l’exode et le choc, pour quelques-uns, de voir Pétain s’emparer du pouvoir.
Solitude du chaos : sur les 30 000 soldats français présents sur le sol britannique, (les rescapés de Narvik et de Dunkerque), 58 décident de rester outre-manche. C’est peu, c’est très peu, mais la lassitude, la résignation et le dépit, ont gagné les rangs. L’appel du 18 juin est un message qu’il faut réécouter, un message qui n’est pas une date, ça le deviendra, mais un message qui prend date :
« Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause, et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus, peuvent faire venir un jour la victoire… Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ! ».
Nous devons beaucoup à ces mots, nous devons beaucoup à ceux qui les ont pris au pied de la lettre, nous devons tout à ceux qui les ont suivis ! Dans les maquis du Vercors, des Glières. Sur les felouques armées par des Résistants polonais, qui partent de Gibraltar pour rejoindre Perpignan. Sur les chalutiers qui traversent clandestinement la Manche. Chez les justes, qui sauvent ici à Vénissieux, une centaine d’enfants juifs de la déportation, et de la mort annoncée à Auschwitz, une nuit d’août 42.
De gaulle, ce 18 juin, a semé l’espoir et des hommes, des femmes, des anonymes, y ont cru. Au prix de leur vie bien souvent, après des années d’humiliation, de tortures, de larmes et de douleurs, sous un régime illégal et illégitime, Vichy. Mais ce 18 juin 40 est une promesse, la promesse qu’il y aura des lendemains, sans savoir tout à fait avec qui, ni quand, ni comment.
Et l’on revient à nouveau à cette question d’espoir, cette question d’y croire, qu’évoquaient si bien Raymond Aubrac, Jorge Semprun, Lise London, tous trois disparus il y a peu. C’est ce mouvement qui précède l’entrée en résistance : il ne s’agit pas simplement de dire non, il faut accompagner cette volonté par « des possibles », comme il est écrit dans ce message du 18 juin : « rien n’est perdu pour la France ».
Dans le livre original et passionnant, « Melpomène se parfume à l’héliotrope », son auteur, Michel Roger Augeard, nous montre combien la Résistance est au croisement de l’individu et du collectif, de l’organisation et du média. Le rôle que la radio, et plus particulièrement la BBC, va jouer dans l’organisation de la Résistance, la mise en place d’opérations de sabotages, de livraisons d’armes, est considérable. Cette fameuse radio et cette phrase que l’histoire a retenue : « ici Londres, les Français parlent aux Français »…
Très vite, Goebbels avait compris le péril que pouvaient représenter les ondes, interdisant toute émission des postes TSF en territoire français, dès le 22 juin 40. C’est pourtant à travers des messages sibyllins, que les réseaux de résistance vont entrer en contact entre eux. Leur formulation répond à des objectifs différents : mise en garde des agents, annonce de parachutages, passage à l’action, bombardements par la Royal Air Force.
Dans une émission de France Culture, Raymond Aubrac parlait de la nature schizophrène de la Résistance : chaque individu portait deux trois noms différents, son nom propre, son nom dans l’organisation, sa dénomination dans tel ou tel réseau. La même personne passait d’une identité à une autre. A travers les Français parlent aux Français, c’est la langue elle-même qui devient schizophrène, voire surréaliste. « De Carnaval à Mardi Gras : il possède un œil de lynx ».
« De Carnaval à Mardi gras » est l’indicatif du responsable régional, en l’occurrence Paul Rivière. « Il possède un œil de Lynx », indique le terrain de l’opération, à savoir Orion dans le Jura. Des chiffres viennent s’ajouter, pour préciser des horaires, pour répéter telle ou telle opération. Et puis certains recourent sciemment à la poésie, comme « Les hérons sont sur l’armoire du bureau » ou encore « Le nid du grand oiseau de mer est-il bien sec ? », afin d’éviter l’enlisement d’avions sur des terrains en Charente. Les conditions extrêmes de suspicion, de prudence, créent une langue à part, vivante, étonnante. Comme pour l’appel du 18 juin, il y a la logistique, les finances et les moyens techniques à Londres et, les hommes et leur connaissance du terrain en France.
Non seulement cette langue sert à fédérer les réseaux entre eux, mais elle sert aussi, par aller-retour au dessus de la Manche, à savoir si un résistant est infiltré par la Gestapo. C’est la signification de ce message rassurant sur la probité d’un partenaire : « Le petit Quinquin et l’ami bidasse vont main dans la main ». Le langage même est sous tension, chaque mot est pesé, chaque mot peut trahir, chaque mot peut anéantir un réseau, des proches ou des membres de la famille, entrés en résistance.
Le langage est en somme sous surveillance, c’est dire si les conditions de vie des résistants, auxquels on doit tout, ont été éprouvantes, entre dénonciation et terreur, exécutions et déportations, entre drames et désespoir, cinq années durant. Pour fermer cette parenthèse sur le livre de Michel Roger Augeard, il est intéressant de noter la concordance des temps, dans l’utilisation des medias et techniques de communication : les réseaux sociaux dans le cadre du printemps arabe ne font-ils pas écho au rôle clé joué par la radio en 40 ?
Entre l’appel du 18 juin 40 et le 27 mai 1943, jour où les membres du CNR se réunissent et posent les jalons d’une renaissance de la France, la Résistance est passée d’un souhait, d’un vœu, d’un appel, à une structure organisée sur l’ensemble du territoire. Le 18 juin annonce août 41, où les communistes fondent un mouvement de résistance armée, les Francs-Tireurs et partisans français (FTPF), dirigés par Charles Tillon. Le 18 juin annonce la formation du plus important maquis de France, celui du Limousin.
Le 18 juin annonce l’appel de Toulouse, puis le pacte de Lyon, qui scelle en 43 l’unité d’action dans la Résistance. Le 18 juin annonce la création des comités d’action socialiste par les dirigeants de la SFIO. Le 18 juin, au final, fédère tous ces hommes et toutes ces femmes qui ne veulent pas du régime de Vichy, qui salit l’héritage républicain et les valeurs universelles de 1789. C’est le trait d’union qui relie Jean Moulin à Lucie Aubrac, qui relie Missak Manouchian à René Char, qui relie les juifs, chrétiens, musulmans, immigrés d’Afrique ou d’Italie, à une cause commune : la France Républicaine, la France libre, la France solidaire et unie.
Voilà en somme ce que cet appel a enfanté, voilà le pari politique de De Gaulle, qui avait compris que cette guerre serait longue, que cette guerre serait mondiale, et non pas seulement européenne. Il avait compris que la soumission à la collaboration, et aux lois scélérates de Pétain et Laval, finirait un jour ou l’autre, emportée par le souffle de la liberté et de l’honneur retrouvé. Le « Général du micro », comme le surnommait Vichy, attendait son heure, mais aussi sa revanche. Comme un juste retour des choses, je ne peux m’empêcher de citer les mots qu’on prête à de Gaulle, ces mots tranchants, relatifs au maréchal Pétain et à sa devise. Je le cite :
« Travail, il n’a jamais travaillé. Famille, il n’a jamais eu d’enfants. Patrie, il l’a vendue aux Allemands ! ». « Que serions-nous devenus sans la Résistance ? Nous aurions eu une carrière. Grâce à la Résistance, nous avons eu une vie ». J’aime beaucoup cette phrase d’Edgar Morin. Elle est adressée à l’héroïsme et au courage dont tous les résistants ont fait preuve, et elle nous est aussi adressée. Oui, que serions-nous devenus sans la Résistance, sans le 18 juin, sans tous ceux qui se sont sacrifiés ? Cette question ne doit jamais nous quitter.
Elle n’est ni un poids, ni une repentance, elle est un héritage et un don, auxquels toutes les générations, et surtout celles qui n’ont pas connu la guerre, doivent s’exposer. Pour faire en sorte, justement, que nos combats soient (presque) à la hauteur de celui que nos aînés ont mené, il y a 70 ans. C’est à cette épreuve qu’il faut mesurer la force de nos luttes pour garder le modèle social, solidaire et juste, du CNR. C’est à cette épreuve qu’il faut mesurer la force de nos convictions contre la montée du populisme, de l’extrême droite, du racisme et du rejet, aujourd’hui en 2012.
C’est à cette épreuve qu’il faut revenir, pour affirmer plus fortement nos convictions, nos aspirations, pour changer le cours des choses, pour changer un monde et un modèle économique, qui nous envoient droit dans le mur. S’il y a une leçon qu’ils nous ont donnée, c’est en tout point… une leçon de vie et d’espoir !
Je vous remercie.
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