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Le blog de Michèle Picard, maire de Vénissieux, député suppléante du Rhône
Journée internationale des femmes
Mars 2012, par admin
Retrouvez l’intervention de Michèle Picard, lors de la soirée organisée à l’occasion de la journée internationale des femmes, le jeudi 8 mars 2012.
Le 7 octobre dernier, trois femmes ont reçu le prix Nobel de la paix : la présidente du Libéria, première femme élue chef de l’Etat, sur le continent africain en 2005, et deux militantes des droits de l’homme, l’une au Libéria, l’autre au Yémen. Elles s’appellent Ellen Johnson Sirleaf, Leymah Gbowee et Tawakkul Karman, et ce qu’elles ont combattu dans leurs pays respectifs, montre la force de leur engagement. Contre la corruption, contre les guerres ethniques, civiles et religieuses, pour l’avènement de la démocratie et les droits des femmes.
Trois luttes fortes, au risque de leur vie, trois luttes a priori perdues d’avance, et pourtant, elles ont réussi à faire basculer les régimes autocrates en place, elles ont réussi à faire cesser les bains de sang, elles ont réussi à faire avancer la société vers le progrès, vers sa propre émancipation. Il a fallu plus que du courage à ces trois femmes, il a fallu endurer des peines de prison, il a fallu essuyer des humiliations, il a fallu braver la peur.
Un proche de Leymah Gbowee dit d’elle, « Leymah a osé s’opposer à la tempête Charles Taylor, elle l’a obligé à aller à la paix, alors que la plupart d’entre nous, hommes, fuyions pour sauver notre vie ». Des luttes exemplaires comme celles-ci, il y en a sur tous les territoires, sur tous les continents, et j’aimerais associer à ces femmes résistantes, Marguerite Barankitse, marraine d’honneur de la promotion Bioforce 2009, que nous avons reçue aujourd’hui même à l’hôtel de Ville. Elle aussi est en lutte, une lutte perpétuelle, incessante, quotidienne, en lutte contre les conflits ethniques au Burundi, en lutte pour éduquer, accompagner, et réinsérer des enfants victimes de la guerre et du sida.
Au-delà de nos frontières, combien de centimètres, de droits, de reconnaissances, les femmes doivent-elles gagner sur les forces réactionnaires, sur les intégrismes en tous genres, sur les réflexes misogynes et patriarcaux ? A l’image des grandes luttes du 19ème, du 20ème siècle, à travers les mouvements des ouvrières de l’ère industrielle, des résistantes, des féministes, il nous faut repartir au combat.
Dans son premier rapport sur la condition féminine dans le monde, l’ONU livre un état des lieux encourageant sur certains points, mais affligeant sur beaucoup d’autres. Le viol, comme arme de guerre, est toujours utilisé dans toute sa cruauté, dans toute sa bestialité. Transmettre délibérément le HIV fait l’objet de calculs planifiés, pour semer la terreur dans des communautés entières, de façon à contraindre les déplacements de la population.
Dans de nombreux pays, la législation empêche, ou du moins rend difficile, l’accès des femmes à la justice, sous la pression de la police, sous la pression des systèmes patriarcaux, archaïques, mais toujours efficaces pour réduire au silence, toute forme de contestation. Dans 57 pays, des études sur la criminalité montrent, qu’en moyenne, 10% des femmes ont été victimes d’agressions sexuelles. Mais parmi elles, seulement 11% en font état, c’est dire si l’accès des femmes à la justice est semé d’embûches. Mais sans recours à la justice, peut-on encore parler d’égalité des sexes ? 125 pays ont rendu les violences conjugales illégales, ce qui veut dire que 69 états n’ont pris aucune disposition, pour enrayer ce fléau mortifère. Au bas mot, cela signifie que 603 millions de femmes vivent dans des pays, où les violences conjugales ne sont pas considérées comme des crimes.
Sphère privée, sphère publique, entre les violences conjugales d’un côté, et les discriminations sociales de l’autre, la liste des atteintes et régressions est longue. Dans le monde, 600 millions de femmes, soit plus de la moitié de celles qui travaillent, occupent des emplois vulnérables et précaires, souvent, il faut le signaler, en dehors de toute législation. Et quelles que soient les latitudes, les femmes accomplissent toujours plus de tâches domestiques et de soins, non rémunérés, que les hommes.
Sur l’écart de salaires entre les hommes et les femmes, la moyenne varie entre 10 et 30%, pour une même fonction et des responsabilités identiques. En France, les disparités atteignent à peu près 27%, tous temps de travail confondus. Il n’y a aucune raison valable, aucune raison logique, pour légitimer de tels écarts, mais ils perdurent, malgré les lois, malgré le fait que 186 pays ont ratifié la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes.
Quelle conclusion tirer de cet état du monde, et des droits des femmes en 2011 ? Je n’en vois qu’une : le combat des femmes est un combat sans fin. Tout ce qui est acquis reste fragile, et tout ce qui reste à acquérir est prétendu interdit. Voilà pourquoi notre combat est sans fin, et voilà pourquoi notre combat doit être sans relâche. A ce titre, l’Europe et la France n’ont pas de leçons à donner. Le libéralisme dans le travail, et les courants populistes et rétrogrades dans la société, mordent ici ou là, sur des droits chèrement acquis. Le discours est d’autant plus hypocrite que, sous couvert de graves crises économiques et de plans d’austérité, certains droits paraissent moins fondamentaux que d’autres. Si l’on tolère ce schéma-là, nul doute que les forces réactionnaires s’y engouffreront avec plaisir.
Cible privilégiée de l’extrême droite et du néo-populisme : le droit à l’avortement. En Pologne, le 31 août dernier, un projet de loi interdisant l’avortement a été rejeté, à une très courte majorité. La Suisse a jugé recevable le texte exigeant que l’interruption de grossesse, et la réduction embryonnaire, soient radiées des prestations de l’assurance maladie. Le parlement russe, et la Hongrie, ont lancé des vastes campagnes de communication contre l’avortement. En Espagne, la droite a annoncé vouloir revenir sur la loi sur l’avortement, peu de temps avant son arrivée au pouvoir. L’ordre moral est en marche, et il est en marche dans notre pays aussi. Marine le Pen ne propose-t-elle pas de dérembourser l’IVG, et de renvoyer également les femmes au foyer ? C’est du Pétain dans les idées et dans le texte, aujourd’hui en 2012 !
Quant au gouvernement, il lance de vastes campagnes contre les violences faites aux femmes, mais sabre les subventions aux associations qui agissent sur le terrain. Double langage qui ne trompera personne : l’Etat délègue, ou plutôt se décharge d’un droit régalien, sur le dos des collectivités.
Entre 2006 et 2009, les subventions de l’Etat, pour les associations d’aide aux victimes de violences conjugales, ont baissé de 18,8%. Moins 38% pour les associations, et permanences locales d’accueil, d’écoute et d’accompagnement des femmes victimes de violences. Quant à la pénurie en matière d’hébergements d’urgence, l’Etat ne donne aucun signe positif, malgré le besoin urgent de structures, que réclament les collectivités locales.
C’est la raison pour laquelle, et à mon initiative, 7 communes ont tiré la sonnette d’alarme auprès du préfet du Rhône, dans un courrier commun, afin d’améliorer la prise en charge des femmes victimes de violence. C’est la raison pour laquelle nous avons fait adopter au conseil municipal, la mise à disposition d’un logement pour les femmes victimes de violences conjugales.
Dans le monde du travail, l’heure est aussi aux régressions. Je ne vais pas vous abreuver de chiffres, un seul suffira car il est éloquent : en France, les femmes sont beaucoup plus exposées à la pauvreté économique : 22% contre 9% pour les hommes. Les politiques libérales menées sous le gouvernement Sarkozy, avec le démantèlement du code du travail, avec le report à 62 ans de l’âge légal du départ à la retraite, frappent l’ensemble des salariés, et plus particulièrement les femmes.
Elles subissent, en quelque sorte, une double peine : les interruptions de carrière, liées à l’éducation des enfants, et les disparités de salaires, vont se payer très lourdement en fin de parcours. Et puis il y a la précarité, et la quotidiennes qu’elles endurent : emploi à temps partiels, bas salaires, harcèlement moral ou sexuel, dénigrement du travail effectué et du poste occupé.
Dans cette société du profit immédiat et du cynisme généralisé, dans cette société de l’exploitation, où l’on cultive l’image de la femme vénale et de la fille facile, il faut du courage pour ne pas céder.
Dans le cadre des familles monoparentales, il faut un mental d’acier à l’ensemble de ces mères de famille, pour décrocher, bien souvent un, voire deux ou trois petits boulots, mal payés, pour courir à la crèche en fin d’après-midi, pour faire les courses, éduquer les enfants, les aider à faire leurs devoirs, pour payer le loyer et les charges, pour survivre. On n’a pas idée comme ce quotidien-là peut être oppressant, usant, éreintant, mais c’est pourtant le lot de nombreuses femmes dans notre pays, qui continuent d’avancer malgré les obstacles, qui continuent d’éduquer leurs enfants, malgré un sentiment d’isolement et de mépris de la société.
A Vénissieux, notre attachement à la journée internationale des femmes ne relève pas de l’attachement purement symbolique. Il est trop facile d’y penser un jour par an, puis d’évacuer la question du droit des femmes, les 364 jours restants. Non, toutes nos actions s’inscrivent, au contraire, dans l’enracinement de valeurs fondamentales : l’égalité de droit entre les hommes et les femmes ; le respect et la tolérance dans les rapports filles-garçons ; la mobilisation de tous pour lutter contre ce fléau de société, que sont les violences faites aux femmes.
Cette attention de tous les instants existe à Vénissieux, et nous pouvons en être fiers. Je sais que le travail au quotidien du Collectif Femmes est extrêmement précieux, que c’est un travail long, dans l’ombre parfois, mais qui porte ses fruits dès aujourd’hui, tout en posant des jalons à plus long terme. Je sais que l’étroite collaboration avec Filactions sur les violences conjugales, en augmentation en France comme à Vénissieux, que les actions de sensibilisation et de prévention sur les relations amoureuses, menées dans les collèges et lycées de Vénissieux, interpellent et réveillent les consciences.
A la lecture de la programmation des manifestations, qui ont eu lieu hier et aujourd’hui à Vénissieux, et qui se poursuivront encore demain, je mesure l’énergie de tous, l’implication totale des EPJ, à travers des ateliers de création, pour sensibiliser et défendre le droit des femmes, dès le plus jeune âge, dès l’adolescence. Ce foisonnement d’initiatives préfigure ce que sera le prochain Festival Femmes de Vénissieux, à partir de 2013, où la culture, l’expression artistique, la création, poseront un autre regard sur les luttes et les engagements au féminin.
Contrairement à ce que certains veulent laisser croire, ce combat que nous avons entrepris ensemble, ne va pas de soi. Défendre l’autonomie et la liberté des femmes, ce n’est pas ériger les femmes contre les hommes, mais au contraire les associer, pour faire avancer l’ensemble de la collectivité vers le chemin de l’émancipation, du progrès et de la modernité. Tout le monde, au final, y gagnera, hommes comme femmes. Méfions-nous donc de ces discours, qui sous-entendent que les revendications pour les droits des femmes, constituent une discrimination à l’envers, comme si ce qui était accordé aux femmes était retiré aux hommes, comme si les avancées étaient non pas une addition, mais une soustraction.
Ça n’est pas le cas, et il suffit de recenser tous les indices, dans le monde du travail, dans la place réservée aux femmes dans les conseils d’administration, dans nos institutions aussi, pour comprendre que des déséquilibres perdurent, et qu’ils sont en tous points injustes et injustifiables. « On ne naît pas femme, on le devient », disait Simone de Beauvoir. Et ce devenir-là, il passe par la sincérité de nos engagements, par la proximité de nos actions, par la volonté de défendre, à travers l’égalité hommes-femmes, la dignité de chacun d’entre nous.
Je vous remercie.
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