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Publié le lundi 23 mars 2009

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Le blog de Michèle Picard, maire de Vénissieux, député suppléante du Rhône

Conférence – Débat « Les Minguettes 1981 – 2011″

Juillet 2011, par admin

Le 8 juillet 2011

Dans la longue histoire de notre ville, il y a eu un avant et un après 1981. La première grave crise des banlieues intervient à Vénissieux, mais aussi à Vaulx-en-Velin et Villeurbanne, une secousse que la France découvre avec stupéfaction au cours de l’été 81.
Sur le plateau des Minguettes, deux histoires se croisent, celle des grands ensembles urbains et celle de la première crise économique grave du début des années 70. Entre les années 50 et 1975, la population de Vénissieux a quasiment quadruplé, passant de 20 000 à 75 000 habitants.

On construit vite, en nombre, mais à l’époque, il faut aussi s’en souvenir, de nombreuses familles populaires accèdent pour la première fois de leur vie, à des logements spacieux, à un confort inconnu jusqu’alors.
Pour se nettoyer, se chauffer, pour cuisiner, tout passe à l’ère de la modernité, à un bien-être matériel que les ménages découvrent et apprécient. C’était aussi ça, les Minguettes des années 60.

Cette histoire-là va croiser le premier choc économique grave depuis les trente glorieuses : le choc pétrolier de 1973 laisse derrière lui des bombes à retardement.
Le chômage devient structurel, l’inflation s’envole, l’industrie vacille à l’image de R-VI, l’un des premiers employeurs de la Ville, qui supprime 5000 emplois en 1978.
La société française bascule dans la crise, les grands ensembles urbains aussi. Les classes moyennes, qui ont accès à la propriété privée, quittent les Minguettes pour les communes environnantes. De plus en plus de logements demeurent vacants, les populations d’origine étrangère s’y entassent, sur fond de détresse sociale : crise de l’emploi, manque de formation, sentiment d’abandon, d’exclusion et de discrimination.

Entre 1975 et 1982, le plateau des Minguettes a perdu 30% de sa population, et sur les 9100 logements de l’époque, plus de 2200 sont alors vacants. La fracture territoriale et la ghettoïsation, aggravées par l’absence de l’Etat, sont en marche. La jeunesse se sent exclue, discriminée, sans avenir ni perspective. A l’été 81, l’explosion est brutale.
Sous l’impulsion de Marcel Houël, puis d’André Gerin, la municipalité de Vénissieux a compris qu’il se jouait, dans ces grands ensembles, bien plus que l’avenir urbain d’une ville, il s’y jouait la solidité du pacte républicain, tout simplement ! Elle a compris qu’il fallait compenser très vite les absences des politiques nationales.
Premier temps, celui de la réponse et de l’urgence : ouvrir le dialogue avec la population, interpeller les pouvoirs publics.

Deuxième temps, celui la rénovation urbaine, mais pas uniquement urbaine : il faut désenclaver les territoires (socialement, économiquement, culturellement) ; réintroduire la force des droits régaliens de l’Etat et des services publics ; ne jamais minorer, ni cacher sous le tapis, les sujets qui fâchent, mais les prendre de face, sans les instrumentaliser, à l’instar de la sécurité publique.
Je le dis aujourd’hui : tout ce travail, pugnace, volontaire et de très longue haleine, a payé.
En 30 ans, les Minguettes ont connu une mutation et une rénovation incroyables, citées en exemple, une métamorphose qui sert de référence à d’autres villes, lesquelles allaient être confrontées aux même difficultés au tournant des années 90-95.
L’été 81 a été à la fois un révélateur, brutal mais quelque part salutaire, et un laboratoire de la Politique de la Ville. Le chantier, énorme, a démarré chez nous plus tôt et plus vite que dans d’autres agglomérations, et nous avons profité d’une coopération fertile entre l’Etat, les collectivités et la Ville de Vénissieux.

Au terme de ce processus, ce qui a changé, c’est le regard que nous portons sur les Minguettes, c’est d’avoir fait voler en éclats les préjugés, les peurs, les idées toutes faites.
Je vais vous donner deux exemples concrets : d’anciens Vénissians reviennent habiter sur le plateau, et les journalistes que nous recevons nous font tous part de leur étonnement : ils s’attendaient à visiter une cité-dortoir, ils découvrent une ville et des quartiers redynamisés, aérés, vivants, dont l’attractivité immobilière ne se dément pas.
Des difficultés persistent, j’y reviendrai, mais il n’y a pas à Vénissieux des poches de non-droit, et nous habitons une ville qui a su garder ses racines populaires, industrielles, solidaires, tout en se projetant dans l’avenir.
Le développement de Vénissieux et des Minguettes ne s’est pas fait au détriment de ses habitants, je crois cette idée capitale, dans la mesure où nous avons toujours tenu à maintenir et à protéger les familles populaires, et non pas à les déplacer, toujours plus loin des cœurs de ville, des cœurs des loisirs, des cœurs des activités commerciales et économiques.
Juillet 1981-juillet 2011 : en 30 ans les Minguettes ont connu une révolution et une métamorphose incontestables, spectaculaires. La ligne T4, l’Ecole de musique, le Cinéma Gérard Philipe, l’Îlot du Cerisier, les 37 Maisons de ville de la Darnaise, le Centre Académique Michel Delay, le plan de sauvegarde des Grandes terres, Bioforce et l’Hôpital des Portes du Sud, l’îlot Bourdarias, les ZFU, le gymnase Colette Besson…

A l’échelle du temps d’une ville, c’est une mutation accélérée, vertigineuse, aux ramifications multiples, qui a défilé sous nos yeux, et c’est le sentiment d’un élan et d’une vitalité renforcés, qui nous font déjà regarder plus loin : l’opération Vénissy, la ZAC Armstrong, le Corallin, l’éco-parc du Couloud.
Ce qui a prévalu, lors des mutations réalisées, prévaut déjà pour celles à venir. La mutation d’un quartier ne peut être réduite à la seule mutation urbaine, même si l’habitat du Plateau, passé des grands ensembles des années 60-70 à une taille plus humaine, est un atout supplémentaire.

L’idée que je veux creuser ici, c’est que le logement social et l’urbanisme ne font pas tout, que la mixité sociale ne sera pas renforcée, si tout cet ensemble n’est pas inséré dans un maillage toujours aussi dense de services publics, et de services publics de proximité.
Une ville, c’est un ensemble, et la remettre en route, c’est appuyer sur tous les leviers en même temps, dans tous les quartiers en même temps.

Voilà pourquoi nous avons tenu à implanter des équipements publics socio-éducatifs, culturels, sportifs de très grande qualité, car c’est le vivre-ensemble qui y circule, et c’est le vivre-ensemble qui en sort renforcé. Nous les avons implantés là où personne ne pensait les voir un jour : sur le plateau des Minguettes !

Voilà pourquoi, à travers une attractivité immobilière retrouvée, nous tenons à privilégier la diversité des parcours résidentiels des Vénissians, de façon à rendre plus homogène et plus ouvert, l’ensemble des quartiers de notre commune.
Les quartiers populaires ont le droit à un meilleur cadre de vie. Les quartiers populaires ont le droit à la culture et aux loisirs.
L’école de musique et le cinéma Gérard Philipe, bien ancrés sur le plateau, ouvrent à ce titre deux horizons : les Minguettes profitent bien évidemment de ces équipements de pointe, mais ces établissements drainent également des habitants d’autres communes, ce qui modifie la perception de Vénissieux à travers des cercles plus élargis, à l’échelle de l’agglomération lyonnaise.
Là encore, tout ce qui brise les préjugés et les cloisonnements agit dans le bon sens, pour des territoires que l’Etat a laissés en jachère, pendant de bien trop longues décennies.
Les quartiers populaires ont aussi le droit à la sécurité publique, à la santé publique, à des écoles publiques, le droit aussi au beau et à l’esthétique, comme la Médiathèque de Dominique Perrault, phare d’un axe structurant entre le plateau et le centre-ville.

Le travail accompli a été colossal, celui qui est devant nous l’est tout autant. Les crédits ANRU pour les opérations du Grand Projet de Ville de Vénissieux ont été engagés à plus de 90%, et 69 opérations sur 70 sont terminées ou en phase de réalisation.
Nous avons livré 564 logements neufs en 2010, et allons signer à la rentrée l’avenant expérimental au CUCS 2011-2014, donnant la priorité à l’éducation, l’emploi et la sécurité.
Malgré tous ces efforts, des problèmes de fond demeurent sur le Plateau des Minguettes, comme dans de nombreux quartiers sur l’ensemble du territoire national.

Le rapport 2010 de l’observatoire national des zones urbaines sensibles est très clair sur ce point : dans les 751 quartiers retenus dans le cadre du programme de rénovation urbaine 2006-2010, le chômage, l’échec scolaire et la délinquance ont continué d’augmenter.
D’autres données sont tout simplement affolantes : dans certaines ZUS en France, nous ne sommes pas loin de compter un jeune sur deux au chômage !

En 2007, soit 1 an avant la crise économique, 27,10 % de la population de Vénissieux vivait sous le seuil de pauvreté, soit le double de la moyenne nationale. La commune compte plus de 20% de chômeurs. Le taux de bas revenus pour les Vénissians atteignait 35 % en 2009 contre 17 % pour le département. Les quartiers populaires sont les premières victimes des crises économiques, qui provoquent des dégâts considérables.
Le nerf de la guerre, c’est, entre autres, l’emploi, et l’emploi local notamment. Nous incitons et agissons pour qu’il se développe, comme le prouvent le site de Bourdarias, et le prochain éco-parc du Couloud.

Mais la lame de fond du capitalisme financier, et les politiques nationales de désindustrialisation de la France, font de nos bassins d’emplois des terres sinistrées, des terres brûlées.
Entre Saint-Jean-Industries, Véninov, Bosch, Vénissieux paye un lourd tribut au jeu de monopoly financier, auquel se livrent les grands groupes industriels et apprentis sorciers de la délocalisation.

J’ajouterai qu’à cette crise du capitalisme, s’est greffée une crise morale profonde, avec une perte de repères, de valeurs, et des taux d’abstention très inquiétants. Un bulletin de vote, c’est aussi un moyen d’exprimer sa colère et sa volonté de changement, de faire bouger les choses, et la vie de son quartier.
Le danger actuel est de croire que les politiques de la ville peuvent se substituer aux missions régaliennes de l’Etat.

Le sommet de la pyramide, c’est le droit commun, c’est la primauté de l’Éducation nationale, de l’accès à la santé, à la formation pour tous, c’est l’application du pacte républicain, laïque, du droit à vivre en sécurité sur chaque centimètre que compte notre territoire.
Que les choses soient claires : aucun CUCS ne sera en mesure de récupérer les milliers de suppressions de postes d’enseignants, ou encore les 800 journées non remplacées que les établissements scolaires de Vénissieux ont subies, depuis septembre 2010.
N’inversons pas les priorités : il faut une cohérence entre les politiques gouvernementales, nationales, et les politiques de la Ville.
Aux Minguettes, nous avons réussi à inverser la tendance, à faire de l’été 81 la rampe de lancement d’une rénovation urbaine réussie.

Avec nos Equipements Polyvalents Jeunes, nous cherchons à associer les 12-17 ans, à leur proposer des activités, à les impliquer dans la vie de leur quartier, dans la vie de leur cité, dans leur apprentissage de la citoyenneté.
Nous avons donc repensé notre ville dans toutes ses composantes : modes de transport, diversité des logements, accès aux loisirs, à la culture, aux activités sportives, aux écoles, à la petite-enfance, aux temps périscolaires… Il a fallu beaucoup de volonté, beaucoup de travail et de concertation avec tous nos partenaires, de l’Etat au Grand Lyon, en passant par la Région, le Département et le milieu économique. Il a fallu près de 30 ans pour offrir aux Minguettes une véritable renaissance, une deuxième vie.
Nous devons continuer à faire preuve d’audace, d’imagination, de modernité, de courage aussi, car c’est dans les quartiers populaires que se joue en priorité l’avenir de notre République.

Discours MP Minguettes 1981- 2011

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