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Le blog de Michèle Picard, maire de Vénissieux, député suppléante du Rhône
66e anniversaire de la capitulation sans condition des armées nazies – Usine Marius Berliet
Mai 2011, par adminRetrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion du 66ème anniversaire de la capitulation sans condition des armées nazies, lundi 9 mai 2011 (Usine Marius Berliet – plaques Portes B)
Revisiter l’histoire nous aide à comprendre les mécanismes qui ont aboutit à la folie des hommes. Cette 1ère guerre mondiale baptisée « Grande Guerre » qui a accouché d’une Petite Paix où prolifèrent la haine, l’humiliation et les germes du pire régime de l’histoire. Les années 1920 et la création du Parti national-socialiste des travailleurs allemands et Hitler qui présente le Programme en 25 points à Munich. Puis en 1924-1925, l’écriture de Mein Kampf. Des thèses sur la supériorité de la race aryenne et l’expansionnisme allemand circulent.
Les premières cibles : les personnes handicapées, les juifs exclus de la citoyenneté allemande. 1933 : Hitler entre à la Chancellerie, la proclamation du 3ème Reich aura lieu le 15 mars. En Italie, depuis la marche sur Rome en 1922, Mussolini a déjà posé sa main fasciste sur le pouvoir. Dans les deux pays, la chasse aux organisations syndicales, aux communistes, à toute forme d’opposition entre vite en œuvre, les milieux industriels et économiques rallient cette thèse : mieux vaut le nazisme que le bolchevisme et l’émancipation des classes ouvrières. L’histoire, la pire histoire est en route, il est déjà trop tard.
Comment nommer la suite ? Guerre totale, Guerre de masse, de terreur, Guerre nihiliste, guerre de négation de l’homme : c’est l’histoire de la civilisation humaine, de l’homme en tant qu’espèce, qui est pulvérisée, massacrée, anéantie. Au quotidien, c’est la soumission, l’humiliation, l’asservissement, la négation de l’individu réduit à une condition de sous-être, des expériences médicales et scientifiques sur des corps vivants de prisonniers. A ceux qui auraient la mémoire courte, à ceux qui n’entendent pas les discours de repli identitaire actuels, voilà comment et où mène l’extrême droite : du rejet, du clivage, de la recherche du bouc émissaire pour passer à la haine, à l’abject, à la nausée ! En six ans, 55 millions de morts. Par jour, 25 000 disparus.
La Shoah, la solution finale : de 5 à 6 millions de juifs, soit les 2/3 de la population juive européenne, décimés dans les camps de l’horreur. En France : 600 000 morts, civils et militaires, résistants ou anonymes. Le cauchemar, l’horreur absolue, la planète entière qui s’embrase et qui se jette dans les bras de la barbarie. Des noms de villes, de champs de bataille, qui, 66 ans après nous glacent encore le sang : Nankin, Stalingrad, Buchenwald, Auschwitz, Varsovie, Salo, Guernica, Dresde, Vienne.
Et tous ces prédicateurs des masses, usurpateurs de la colère des peuples, coupables devant l’histoire : Heinrich Himmler, Reinhard Heydrich, Klaus Barbie, Goebbels, Goering, Hitler, Mussolini, Franco. Cette liste n’est pas exhaustive, et elle porte en elle assez de responsabilités, d’infamies pour n’accorder aucune circonstance atténuante, aucune compassion à ces hommes-là.
Heureusement, pour ouvrir les yeux sur le chaos, pour amorcer difficilement un retour vers l’homme, il y eu le procès de Nuremberg : une humanité retrouvée, debout, et digne pour toutes les victimes. La France dans tout cela a fait le lit du 3ème Reich. C’est un fait historique incontestable. La France a trahi ses idéaux. Elle s’est salie dans la compromission, la soumission et la collaboration. Une partie de la France certes, mais avec des dirigeants et des préfets zélés (Pétain, Laval, Bousquet, Papon…).
Il aura fallu attendre 1995 et Jacques Chirac dans son discours du Vel d’Hiv pour que l’on cesse de jouer avec les mots et les faux-semblants. Seulement 2500 déportés sur les 76000 juifs que la France a lâchement livrés au régime nazi retrouveront leur patrie. Pour les 85 000 déportés politiques, ils seront 50 000 à revoir la France. Les lois scélérates pleuvent : contre les femmes ; contre le monde ouvrier avec des syndicats uniques et l’interdiction du droit de grève ; contre les juifs et les opposants communistes que les milices de Pucheu traquaient sans vergogne.
Rappelons-nous le 27 mars 1942 et du premier convoi de déportation. Rappelons-nous le 7 juin 1942 et de l’ordonnance allemande appliquée avec zèle par les autorités françaises, celle du port de l’étoile jaune. Rappelons-nous les 16 et 17 juillet 1942 et de la rafle du Vel d’Hiv. Les ressorts de ce chapitre sinistre de notre histoire reposent sur des éléments assez clairs. Il y a la déroute militaire, il y a la volonté de la haute bourgeoisie d’en découdre avec l’esprit républicain et les avancées progressistes du Front Populaire, de 1848, de 1789.
Et il y a enfin, comme en Allemagne, le ralliement des puissances de l’argent à la droite nationaliste pour contrer les aspirations du peuple, des travailleurs et des classes populaires : une collaboration économique forcée ou zélée de dirigeants d’entreprises impulsée par l’Etat français, comme cela fut qualifiée pour Marius Berliet par les tribunaux à la Libération, ou encore Louis Renault, condamné pour avoir collaborer activement avec l’Allemagne Nazie.
La tentative actuelle de falsification de l’histoire qui vise à réhabiliter Louis Renault est un outrage à tous les patriotes morts pour la France, à tous les salariés de Renault arrêtés, torturés, fusillés pour fait de sabotage et de résistance à l’intérieur comme à l’extérieur des usines de Renault. Il ne faudrait pas oublier que les premiers à être fusillés au Mont Valérien étaient les dix-huit ouvriers syndicalistes CGT des usines Renault de Boulogne-Billancourt, accusés d’avoir fomenté dans l’usine le refus de travailler pour l’occupant.
C’est donc un verbe, un verbe de chair, de sang, un verbe de sens aussi, qui a finit par stopper la déflagration, par faire plier le pire régime de notre histoire, le 3ème Reich. Résister, quand tout prête à faire profil bas. Résister quand c’est sa propre vie que l’on met dans la balance. Résister, quand c’est sa propre famille, ses proches, ses amis que l’on expose aux représailles. Résister par des gestes simples comme celui d’approvisionner un maquis, comme celui de cacher un juif dans sa maison.
Ce verbe en 1940, il faut être fort pour le suivre, il faut être fort pour sublimer la peur, il faut être fort pour lui donner corps, c’est le cas de le dire. Nous avons une dette envers les combattants de 40, résistants communistes, gaullistes, socialistes, maquisards épris de République, tirailleurs sénégalais, algériens, combattants de l’outre-rhin, alliés américains, canadiens, soldats de l’armée rouge. Tous ceux qui n’avaient que leur courage pour tenir debout et leur volonté pour avancer.
Aux patronymes de l’infamie répondent les patronymes de notre démocratie. Il y a Lucie et Raymond Aubrac, Jean Moulin, Missac Manouchian, Charles de Gaulle, les FTP-MOI, le CNR, et tous les autres, restés dans l’anonymat de l’histoire. Des résistants, qui ont œuvré pour la libération de notre ville, de notre pays, de notre République. L’insurrection morale, civique, contre la soumission, et la résignation, les a fait se lever.
Un combattant ici, puis deux, puis des dizaines, des centaines, dans des maquis, dans des usines, dans des villages, en France ou dans les Sudètes, à Prague ou à Paris, à Rome ou à Berlin, puis des structures, des organisations, des réseaux et au terme d’un combat tragique un 8 mai 45, une capitulation sans condition. Cette résistance à Vénissieux avait les visages des Besson, Bonnavent Gomez, Jeannin, Monge, Marel, Motta, Muntz, Philippo, Pilat, des frères Amadéo, et tant d’autres.
Je pense à ces résistants de la mouvance immigrée, issue des groupes MOI et qui ont formé l’essentiel du groupe Carmagnole-Liberté, et notamment à Norbert Kugler. Et comment ne pas évoquer ces combattants des Groupes Francs tombés ici devant l’usine Berliet : Pierre Gayelen, Félix Gojoly, Louis Moulin, Jean Navarro, Louis Troccaz.
Puis vint la libération des camps : l’horreur de ce que l’on va y découvrir va laisser l’homme sans voix. Le choc est tel, l’impact est si durable que plus rien ne sera comme avant. Comment penser le présent à la lumière de ce désastre ? Comment transmettre à nos enfants les images de Nuit et Brouillard ? Comment regarder ces corps faméliques, ces cadavres empilés d’Auschwitz ? Comment parler d’une telle brutalité, d’une tragédie sans précédent, d’un déchaînement bestial dont l’homme et l’homme seul est l’auteur ?
66 ans après, toutes ces questions sont parmi nous. Le délitement sans précédent de nos sociétés actuelles peut même nous les renvoyer en pleine figure plus vite qu’on ne le croit. Le populisme et l’extrême droite montent partout en Europe, ils ne faisaient pas autrement dans les années 20 et 30.
Les raccourcis, les amalgames, les rejets, le racisme s’ancrent dans les esprits. Ils gagnaient du terrain dans les années 20 et 30. La crise de 29 a été l’un des moteurs de l’avènement du 3ème Reich. Celle du capitalisme financier va porter qui au pinacle ? Avons-nous bien retenu toutes les leçons de l’histoire ? L’avenir nous le dira, mais c’est à nous, et à nous seuls de le faire pencher du bon côté.
Je vous remercie.
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